Idéalisation & Clémentine



Idéalisation
, c’est le titre d’une chanson rigolote que j’avais écrite / composée / chantée sur mon inoubliable super 45T en 1967.
Ça racontait l’histoire d’une femme qui voulait insonoriser, araignéiser, démithridatiser, dérupturiser son mec, bref, il devient peintre en bâtiment pour la couvrir de blanc… (écouter ici)
Un jour, va savoir pourquoi, les Yesmen (Beni-oui-oui activistes du canular) s’en sont emparés pour illustrer un de leurs films. Mais plus pour le coup de trompette que pour le contenu du texte, je suppose.
Et puis voilà-t-il pas qu’une chanteuse cool que j’aime énormément — et dont j’avais déjà deux albums très sympas —  reprend cette chanson, à sa façon, très swinguante, dans son nouvel album !
Elle s’appelle Clémentine et a déjà publié vingt albums de style jazz, pop ou bossa avec des collaborations prestigieuses  comme Ben Sidran, Leo Sidran, Carlos Lyra, Marcos Valle, Roberto Menescal, Johnny Griffin, Niels-Henning Orsted Perdersen, Kenny Drew … et de nombreux grands musiciens japonais dont je ne connais pas les noms. Il faut savoir qu’elle a très vite été remarquée par Sony Music Japon qui lui a assuré une superbe carrière dans ce pays où elle est une icône. Elle y a vendu plus de quatre millions de disques ! Quatre millions !
Ce dernier album sur lequel elle a repris avec un immense talent Idéalisation (écouter ici) a été produit en France, avec un choix de titres pour le moins étonnant comme Le Mambo du légionnaire ou Cresoxipropanédiol en capsule de Jean Yanne, Domino, Les Flonflons du balMaria Ninguem en VO… Et toujours cette voix tout sourire, pleine de fraîcheur, super relaxante et positive dans cette monde de brutes. Un plaisir absolu. Une pause on ne peut plus cool. Superbe !

Texte © dominique cozette

 

Elephant man et son docteur

Qui n’a jamais entendu parler d’Elephant man ou vu le film de David Lynch (1980) ? Ce personnage a non seulement existé mais s’il persiste à rester dans nos mémoires et nos cœurs, c’est grâce au docteur Frederick Treves qui l’a sorti d’un dénuement épouvantable et a pris grand soin de lui jusqu’à ce qu’il meure.  Ces notes ont été utilisées pour créer la pièce qui l’a fait connaître puis le film.
Le livre qui rassemble ces notes, plus de nombreuses autres anecdotes du praticien, s’intitule Elephant Man et autres souvenirs. Il a été écrit en 1923, plusieurs années après la mort de Joseph Marrick, son nom réel, intervenue en 1890 à l’âge de 27 ans.
Ce pauvre garçon, atteint de difformités épouvantables dus au syndrome de Protée ou de Cloves, méconnu à l’époque, fut très tôt recueilli par un montreur forain qui le présenta au public comme un monstre et l’exhiba des années durant sans aucun respect devant des foules dégoutées, railleuses et humiliantes. Nul ne se demandait ce qu’il y avait dans sa tête tant ses excroissances le rendait repoussant. De plus, comme on ne le lavait pas, il dégageait une odeur pestilentielle.

Heureusement, le docteur Treeves croisa sa route et ce fut miraculeux pour lui. Pour la première fois, quelqu’un s’intéressait à lui avec dévouement, s’inquiétait de son confort, de son bien-être et, faut-il le dire, de son bonheur. Le docteur s’aperçut que le garçon était intelligent, qu’il savait lire et aimait ça et qu’il était très curieux. Il le nourrit de culture et aussi de rencontres même si les premières furent plutôt catastrophiques : les personnes, des dames surtout, non prévenues du physique de cet homme, repartaient épouvantées. Mais il en connut de moins bégueules, des femmes de bonne compagnie qui lui offraient des moments de clarté et de communication malgré son impossibilité à parler et à sourire vu l’état de ses lèvres, lui apportaient des petits cadeaux. On l’emmena aussi à la campagne, dans des beaux endroits mais il fallait prendre de sacrées précautions pour éviter qu’il rencontre des gens non prévenus. S’il mourut jeune, Elephant Man connut malgré tout une partie de vie acceptable, voire supportable. Ajoutons que c’était un homme pétri de bonté et de sagesse, qu’il n’éprouva aucune rancune ou aigreur par rapport à la façon dont il avait été (mal)traité dans sa jeunesse. On appelle cela la résilience.

Les anecdotes qui suivent ne sont pas forcément d’ordre médical. D’abord un inventaire de ce qui se faisait dans les hôpitaux « avant », donc fin du XIXème, les opérations sans anesthésie aucune et sans hygiène dont il était impossible de ressortir vivant, les cautérisations au fer brûlant à vie etc… (quand je pense à ceux qui craignent une piqûre), de quoi vous dégoûter des soins. D’autres histoires ont pour sujet un chapeau (nul ne sortait tête nue), une dépression, un chirurgien prétentieux qui ne sait même pas opérer, la mort et aussi la façon de l’annoncer aux proches. Et d’autres cas pathologiques.

Ce livre représente un bon témoignage sur cette époque victorienne pas toujours victorieuse, du moins au niveau social si l’on en croit les mœurs, bardées de préjugés et d’interdits de l’époque. Une fresque sociale, en quelque sorte.

Elephant Man et autres souvenirs par le Dr Frederick Treves, 1923. 2012 aux éditions OKNO avec une excellente traduction d’Arnold Petit. 272 pages, 16,90 €

Texte © dominique cozette

 

 

Envie de faire Pipin ?

Pardon pour ce jeu de mot foireux mais après tout, on n’est pas là pour s’enquiquiner car je vais vous reparler de Ramon Pipin. Ramon Pipin, oh les filles oh les filles s’en souviennent encore mais il a tourné la page. Au Bonheur des Dames est devenu Odeurs, oui, c’est plus rance déjà. S’ensuivent des tas de réalisations d’albums, de musiques de films etc. je ne vais pas vous faire une nécro. Bref, Pipin qui s’appelle aussi Alain Ranval, a fait énormément de choses à part les crêpes aux anchoix. Quoique. Pendant ma période pub, on a fait beaucoup de séances dans son studio Ramsès, on s’est toujours marrés et on est devenus potes, comment faire autrement ?

Or donc, quoi de neuf ? Un superbe album ALAFU bourré de chansons formidables et à la musique — écriture, arrangements et tout le reste — d’une extrême sophistication, avec des tas d’instruments classiques aussi, mais excusez-moi je ne suis pas critique musical, allez voir sur le site de l’artiste ici. Il se trouve que Ramon lui-même explique tout.

Et puis son livre qu’il a récrit en mieux, un polar déjanté dont je vous ai entretenu lors de la première mouture, emportée par un dépôt de bilan d’éditeur… Il s’appelle Une jeune fille comme il faut, mais évidemment, c’est une jeune fille comme il faut être pour les faire tomber tous. Et ils tombent, les cons, principalement notre petit puceau, Fabien Gourniche, fils du flic à la retraite qui a libéré cette fille, Naja, prise en otage dans un bled paumé. Donc le môme boutonneux, tricotilomane, que ses parents ont eu sur le très tard (et peut-être sur le tréteau) tombe en amour avec cette bombe qui lui explose le cœur. Et pas que le cœur.
Désespoir des parents mais il n’y a rien à faire contre ça. Juste à constater, impuissants qu’ils sont, que leur futur hypokhâgneux (il va s’occuper des chevaux, imagine Naja) se met à d’autres tribulations, drogues, vol etc. Je ne vous raconterai rien des aventures abracadantesques de ces jeunes et de leur bande de nases, ni du père qui, bien qu’ex-flic, a la collectionnite aigüe pour les guitares les plus pointues mais se voit moucher, dans son échoppe préférée, par un jeune glandu qui fait une démo de dingue. Parfois, on se demande si Pipin n’a pas écrit certains passages avec son médiator.
Page 51 et suivantes attention ! Passage remarquable  à tous points de vue sur le laçage des lacets. Personne n’a jamais parlé des lacets comme ça, je vous jure que mes larmes commençaient à apparaître quand ouf, l’action déjantée est repartie de plus belle d’un coup de scooter.
Alors, plutôt que de vous trancher les veines ou de vous pendre dans le grenier de votre grand-mère devant la perspective du monde  sacrément cradingue qu’on nous donne à voir et à entendre dans les médias, sacrifiez vos économies chèrement acquises pour ces deux moments de bonheur concoctés par Pipin le farceur qui, jamais, ne vous laissera tomber jamais. Jamais. Ah, je l’ai déjà dit ?
Et je ne vous ai pas parlé de la préface à tomber de Tonino Benacquista. Et des références musicales qui émaillent ce chef d’œuvre d’humour déjanté.
Vous pourrez trouver le livre chez Jeff B., le mec qui s’évade dans l’espace avec les milliards que lui fournissent ses clients. Bon, bah oui, j’ai une éthique tac-toc. Et hop !

Une jeune fille comme il faut de Ramon Pipin, 2012 chez Mon Salon Editions, 190 pages, 12 €, qui nous met la page à 0, 06315789 €, ce qui est donné !

Texte © dominique cozette

Hamnet, amour fou, drame indicible

Poussée par l’élogieuse et unanime critique de l’émission le Masque et la Plume, je me suis offert Hamnet de Maggie O’Farrell. On est à la fin du seizième siècle, dans la campagne anglaise, près de Stratford. Un gantier réputé du coin, violent et malhonnête, est poursuivi par ses nombreux créanciers. Pour compenser une de ses dettes, il envoie un fils, le moins estimé de lui, comme précepteur auprès d’une fratrie de paysans, pour leur apprendre quelques humanités. Et celui-ci tombe amoureux d’une des filles de la ferme, toujours pieds nus avec une crécerelle (sorte de faucon) perchée sur l’épaule. Agnès est une personne très singulière :  elle vit avec la nature, sait utiliser les plantes pour soulager les malades, prédire l’avenir des gens en leur pinçant la peau mais ne s’intègre pas à sa belle-famille, une famille reconstituée par son père après la mort en couches de sa mère chérie. Elle n’en s’en console pas. Contre toute attente, elle va tomber amoureuse de cet homme fluet et sans fortune. C’est un amour profondément partagé avec projet de mariage que seront obligés d’accepter les parents des deux amants car elle est enceinte.
C’est le début de leur histoire mais pas du récit qui est entrecoupé de « flash-forwards » (le contraire de flash-backs) où l’on voit un de leurs enfants, Hamnet, chercher du secours partout comme un fou car sa jumelle est tombée brusquement très malade. Ses symptômes sont ceux de la terrible « pestilence », la peste qui confère aux victimes une odeur putride insupportable. La maison, qui est celle de belle-famille d’Agnès est vide, tous sont partis vaquer à leurs obligations, Agnès soigne un malade et son mari est à Londres où il « fait » du théâtre. Le mari qui n’a pas de prénom dans ce livre, ni de nom, il est appelé le père, le mari, le fils.  Il est en fait William Shakespeare.
L’autrice ne se considère pas comme une biographe, elle a fait énormément de recherches pour retrouver quelques traces de la vie de Shakespeare. Et elle a tricoté son roman autour des maigres éléments qu’elle a glanés. Mais elle ignore de quoi est mort Hamnet, à onze ans, peut-être de la peste. Ce qu’elle n’ignore pas, c’est la vie qu’on menait à cette époque lointaine, les conditions sociales des gens de peu et des bourgeois mais aussi, et c’est extraordinaire, de ce que la nature produit et dont savaient se servir nos ancêtres pour améliorer leur vie, se nourrir, se soigner, se guérir. Son écriture est superbement riche et fleurie, on dirait de la dentelle tellement elle est gracieuse et sophistiquée. Parfois on aimerait accélérer un peu le récit (j’avoue : je suis une impatiente) mais il ne le faut pas. Car ce qu’il est conté avec force détails, c’est aussi l’amour immarcescible d’un frère et d’une sœur arborant la même âme et le même visage, dont ils se servent pour tromper son monde, c’est le deuil impossible d’une mère pour son enfant et la culpabilité toujours présente de n’avoir pas su le protéger du pire et c’est  le deuil muet du père qu’il finit par exprimer dans une pièce de théâtre.
Ce superbe livre a a été couronné de prix prestigieux.

Hamnet de Maggie O’Farrell, 2020. 2021 aux Editions Belfond, traduit par Sarah Tardy. 368 pages, 22,50 €

Texte © dominique cozette

Anatomie d'un mariage

Anatomie d’un mariage est le deuxième roman de Virginia Reeves, un ouvrage bien fourni de 432 pages, relatant le désagrégation d’une union qui promettait pourtant de durer. Le mari, Ed, est un jeune et brillant psychiatre nommé à la tête d’une institution périclitante du Montana, au cœur de ses beaux pays grandioses. Sa femme Laura, belle et forte, la suivit malgré elle car c’est un peu le trou du cul du monde. Ils devraient avoir des enfants, elle peindrait comme elle aime le faire et lui pourrait aller à la chasse et la pêche, enfin dans les rêves car il y a un boulot énorme à Boulder où aucun patient ne peut être soigné faute de budget, de personnel et de motivation. Lui, il veut tout changer et il commence par s’intéresser aux malades en créant des ateliers d’expression pour réveiller leurs cerveaux endormis et amochés. Mais il s’intéresse particulièrement à une jeune fille, Penelope, fine, intelligente et très attirante, placée de force par ses parents car épileptique. Même s’il reste dans les normes morales, il est peu à peu obsédé par elle et lui confie la création d’un atelier de lecture. Bonne initiative car il qui va vraiment améliorer le mental de ses jeunes recrues.
Et puis chaque soir, avant de rentrer, il va boire des coups au saloon du coin, avec son fidèle ami, celui par qui il a été admis dans l’institution. Des shots de Whiskey accompagnés de bière, ah que ça détend ! Bien sûr, il ne rentre jamais à temps pour dîner, ce que Laura commence à déplorer. Peu à peu, sans qu’il le reconnaisse, ses pensées vont plus souvent à Penelope, amoureuse de lui, que vers Laura.
Souvent, c’est la voix de Laura qui prend la plume, si j’ose dire, pour donner sa version des choses. Laura qui a décidé de créer un atelier de peinture dans l’institution, pour se rapprocher d’Ed, à son grand dam. De plus, pour se désennuyer, elle travaille secrètement une fois par semaine dans une boutique de fringues.
Le mariage commence à boiter sec, même avec l’arrivée d’un bébé mais Ed se promet de rectifier le tir, d’être plus souvent là. Paroles, paroles… Jusqu’à ce qu’elle décide de le quitter. Mais leur histoire est loin d’être finie.
Comme beaucoup de romans psychologiques américains, ce livre campe admirablement ses personnages, leurs qualités, leurs défauts. Il nous montre comment pense un homme plein d’ambition, plein de désirs, plein de bons sentiments aussi, tout cela forcément inconciliable, comment peut l’accepter une femme pas particulièrement soumise et comment les vrais amis peuvent intervenir dans une histoire compliquée. Et puis il nous montre tous ces détails de la vie quotidienne dans les années 70 et 80 de gens qui ne vivent pas dans des grandes villes, leurs valeurs, leur amour indicible pour la nature, leurs idéaux familiaux difficiles à réaliser…
A lire comme une série car les étapes de ce drôle de mariage sont bien cadrées et définies avec des retournements de situation, de gros chocs, des accidents de parcours gravissimes… Passionnant pour qui aime le genre. Moi, oui.

Anatomie d’un mariage de Virginia Reeves (The behavior of love, 2019). 2021 aux éditions Stock, traduit par Carine Chichereau.  432 pages, 22,90 €.

Texte © dominique cozette

Un thriller si cruel

Robe de mariée de Pierre Lemaître m’a été prêté par une amie qui pensait que ce livre me plairait. Me plairait ? Mais j’en tremble encore tellement il m’a secouée, baladée, fourvoyée, trompée, énervée, abasourdie, apitoyée, stupéfiée, déconcertée, estomaquée, médusée. Vous l’aurez compris, je n’en suis pas revenue. D’ailleurs, c’est le premier livre de Lamaître que j’ai lu, honte à moi, mais pas le dernier, je vous rassure.
Sur la couverture du poche, il est écrit thriller. Pour sûr, j’en frissonne encore. Qu’en est-il du motif ? Il s’agit d’une jeune femme, pleine d’allant au départ mais qui se dit folle. Elle ne sait pas comment ni pourquoi c’est arrivé, mais force lui est de constater qu’elle est vraiment folle. Ses affaires disparaissent, reviennent plus tard, ses rendez-vous sont décalés malgré elle, elle fait des fautes lourdes dans la boîte où elle était si professionnelle. Et cela jusqu’à assassiner Léo, le petit garçon qu’elle gardait, mais sans en avoir aucun souvenir. Le choc, forcément écrasant, douloureusement  effrayant lorsqu’elle découvre le petit corps sous les draps, l’enjoint à fuir. Sinon, comment expliquer aux parents ou à la police ce qui est arrivé alors qu’elle ne le sait pas elle-même.
Et la voilà parant au plus pressé, quittant la ville, raflant ses économies, sans aucun plan en tête, mais en fuite. Une cavale qu’elle a su finalement organiser puisqu’elle a résisté à toutes les recherches.
Enfin non, pas à toutes. Elle a eu beau se refaire une vie, un nom, une « honnêteté », quelqu’un continue à savoir où elle est, ce qu’elle fait. Elle ne s’en doute pas une seconde et, pour les lecteurs que nous sommes, c’est un vrai cauchemar. L’homme est cruel, efficace, invisible, imaginatif. Pourquoi fait-il tout cela ? Il tient un journal, au milieu du livre, où il nous expose la traque de Sophie et on comprend qu’il y est question de vengeance. Mais se venger de quoi ? On ne peut le savoir qu’à la fin. Malgré tout, Sophie est futée, elle a de la ressource, très peu mais suffisamment pour glisser un grain de sable dans la belle mécanique du pervers. De ces deux ennemis à la vie à la mort, qui va s’en sortir au mieux, qui va sombrer et surtout : comment ? C’est diabolique.
Ce livre est génial. Il nous retourne comme une crêpe, nous fait souffrir aussi, nous inquiète terriblement. On thrille à mort, une vraie tuerie !
Ne vous privez pas de ces frissons de terreur pour mieux vous évader de ce climat de peur organisée qui nous tombe dessus chaque fois qu’une info nous débusque.

Robe de mariée de Pierre Lemaître, 2009. Edititons Calmann Lévy? Le Livre de Poche. 316 pages, 6,60 €

Texte © dominique cozette

Les Fessebouqueries en vacances

C’est pas que je ne veuille plus travailler pour vous faire rire même si je n’y gagne pas grand chose à part quelque satisfaction narcissique lorsque certain.e.s d’entre vous ont la délicatesse de me tresser des compliments par ailleurs ultra-mérités mais force est de constater que l’actu du moment, en plus d’être gonflante de redondance, a fini par bâillonner la plupart de mes fournisseurs habituels, et donc la livraison ci-devant de leurs perles. Comme sur un crado de la méduse, je navigue à vue et crierai « terre ! terre, je ne peux plus me taire » lorsque les événements nous feront la grâce d’être un chouïa plus inspirants. Merci à Isabelle S. pour l’image et à vous tous pour le reste. Bon week-end, bonne semaine, bonne saison ou bonnes vacances, cher.es toustes enfin démasqué.es et bidonnez-vous bien comme on disait au siècle dernier ! A très bientôt !

Un petit dernier cul sec pour la route :

Au vu des enjeux de l’épidémie actuelle, je suis favorable à la vaccination systématique des personnels soignants, avec les vaccins recommandés pour leur classe d’âge. J’encourage donc tous mes collègues à se rapprocher de leur centre de vaccination. 

MERCI À VOUS QUI ME SUIVEZ ET PARTAGEZ MES FESSEBOUQUERIES…
RAPPEL : Je collecte au long de la semaine les posts FB et les twitts d’actu qui m’ont fait rire. Les initiales sont celles des auteurs, ou les premières lettres de leur pseudo. Illustration ou montage d’après photo web © dominique cozette. On peut liker, on peut partager, on peut s’abonner, on peut commenter, on peut faire un tour sur mon site, mon blog, mon Insta. Merci d’avance.

Et ces êtres sans pénis !

Ne croyez pas que j’ai titré ainsi mon papier pour attirer votre regard lubrique. Non. C’est le titre du livre avec son point d’exclamation, Et ces êtres sans pénis !, de Chahdortt Djavann, romancière et essayiste iranienne, féministe, vivant en France après avoir fui son cher pays dévasté par les ayatollahs. Elle y a même fait de la prison à treize ans. Treize ans !
Pourquoi avoir appelé son livre comme ça ? Parce que sa naissance « sans pénis » a été une erreur. Une faute terrible que sa mère n’a jamais pardonnée. Imaginez : Avant elle, la mère avait un petit garçon magnifique, un ange, elle l’adorait. mais il est mort à onze mois. Drame absolu. Lorsqu’elle se retrouve enceinte, la mère est persuadée que c’est son petit ange qui revient. Elle est tellement heureuse dans cette attente. Hélas, il ne naît qu’un être sans pénis, autrement dit une fille. Premier drame de l’autrice. Et drame récurrent puisqu’en Iran, si tu n’as pas de pénis, tu as raté toute ta vie. Et même ta mort.
Ce livre douloureux, mais plein d’esprit, d’allusions au beau langage persan, nous conte le terrible destin de femmes iraniennes. Car une Iranienne n’a aucun droit. Quoi qu’il lui arrive, c’est sa faute. Les hommes, les flics, les maris, les frères, peuvent la frapper, la mutiler, la violer et la tuer, il n’y a pas mort d’homme, ce n’est donc pas grave. Dans ce pays où l’écrasante majorité des êtres sans pénis, dans son enfance, son adolescence ou sa jeunesse, a été violée ou a subi des attouchements sexuels; dans ce pays où aucune voix n’ose publiquement parler des abus sexuels, du viol ou de l’inceste; dans ce pays où des enfants sans pénis, dès l’âge de neuf ans, sont mariées avec des êtres avec pénis quatre fois plus vieux, sans que quiconque qualifiât cela de pédophilie; dans ce pays où les lois écrasent les êtres sans pénis, leur font porter un voile dès l’âge de sept ans pour ne pas exciter les hommes...
Chahdortt Djavann nous parle des émeutes où les mollahs ont coupé immédiatement l’Internet afin que rien ne transpire de la terribles répression où les gardiens du pouvoir étaient exortés à tirer à vue sur les manifestants. Rien n’a été dit ou vu sur les réseaux, de ces milliers de morts.
Chahdortt Djavann nous parle d’une jeune femme qui refusa d’être mariée (vendue) à un maire pour le bénéfice de son père, qui s’enfuit, vécut une histoire d’amour avec une femme sur laquelle l’homme humilié se vengea en projetant de l’acide pour dissoudre son visage. L’homme ne fut pas puni.
Chahdortt Djavann nous parle de cette ado de quatorze ans qui s’amusait avec ses copines autour d’une fontaine. Bien que voilée, mais rétive, elle fut embarquée violemment et punie puis cloîtrée par ses parents car en cas de récidive, on leur confisquerait leur appartement.
Chahdortt Djavann nous raconte aussi cette jeune fille qui, par bravade comme le font certaines, grimpa sur un poteau et ôta son voile. Elle fut attrapée, frappée et violée sauvagement par trois hommes, gardiens des lois.
Bien que grande amoureuse de la France, Chahdortt Djavann écrit : Je me sens coupable de vivre tranquillement en France qui a accueilli Khomeiny  — l’homme qui changea la face du monde. Je me sens coupable lorsque la France, l’Europe se mettent à table avec les dirigeants criminels de l’Iran. Le silence assourdissant du gouvernement français me fait mal. Le Pays de Droits de l’Homme ne dit mot.
Alors, pour alléger sa honte, sa peine ou sa colère, elle écrit un dernier chapitre où elle s’affranchit de toute règle littéraire (puisque nul ne suit de règles) une histoire en forme de conte mais d’un réalisme hallucinant où elle revient au pays, elle retrouve deux cousines guerrières déterminées avec tout une organisation révolutionnaire à mettre ce régime à terre. C’est dur, puissant et porteur d’un tel espoir !
Superbe livre qui aurait beaucoup à apprendre à celles qui, en France, décident de porter le foutu voile, ceux qui les obligent ou les y encouragent et beaucoup qui n’y voient qu’une histoire de colifichet.

Et ces êtres sans pénis !, de Chahdortt Djavann. 2021 aux éditions Grasset. 226 pages, 19,50 €

Texte © dominique cozette

Un nouveau Iain Levison trop bien

Iain Levison, né en Ecosse mais vivant aux Etats-Unis m’a souvent régalée avec ses petits romans acerbes, drôles et quand même très critiques sur le rêve américain. Le dernier, Un Voisin trop discret, est un régal. Il n’est pas très épais mais les situations mises en scènes sont denses, explicatives et parfois cocasses. Il m’apprend des tas de choses au sujet des militaires qui œuvrent en Afghanistan, comment ils sont gradés, pourquoi il vaut mieux être marié et avoir un enfant pour monter en grade si telle est l’ambition de l’impétrant. Comment aussi une femme de soldat devine que son mari a été tué en service. Ce que j’aime beaucoup, c’est que cet auteur décrit aussi le point de vue des femmes. Bon venons-en au fait.
Il y a plusieurs héros principaux, a priori très loin les uns des autres, mais qui vont finir par se rencontrer de façon assez violente, inattendue et surtout cocasse. Le premier en scène est un homme très secret de soixante ans qui conduit un Uber, qui ne reçoit jamais personne chez lui, qui veut qu’on lui foute la paix. Problème numéro un : les foutues appréciations des clients. Parfois, à cause d’un pet de travers, il se retrouve dans la merde. Problème numéro deux : sa voisine, mexicaine peut-être, qui a laissé ses clés à l’intérieur et lui demande de l’aide. Une jeune femme avec un enfant dont le mari est en mission mais dont elle craint, à raison, le retour prochain.
Puis une jeune femme qui revoit un de ses amis de classe dans un bar. Elle est mère célibataire d’un môme de quatre ans affligé d’une malformation interne, or les soins, aux Etats-Unis, coûtent excessivement cher. Mais voilà-t-il pas que son ami, qui est gay, lui propose le mariage. Avantage pour lui : il pourra monter en grade plus facilement. Pour elle : un train de vie très attrayant avec prise en charge de tous les problèmes de santé du gosse. Tope-là, marché conclu. (Et ne croyez pas que c’est cousu de fil blanc et que le « mari » va devenir hétéro. Non, pas de ça ici !). La rencontre entre les deux maris, militaires, va produire des situations particulières, jusqu’au tragique.
C’est extrêmement bien construit. Outre une histoire pas banale, on y trouve les thèmes de nos tracasseries actuelles comme, je l’ai dit, les notations à tout va, mais aussi la gêne pour parler aux gens (ou des gens) sans les froisser car aujourd’hui, le plus petit mot peut ressembler à un crachat.
Quant à la fin, elle est jouissive. Le côté psy des héros s’y développe de façon logique mais complètement à côté de la plaque. Très fort ! Un régal, je vous dis.

Un voisin trop discret de Iain Levison. (Parallax, le titre original) traduit par Conchita Gonzales Batlle. 2021. Aux éditions Lana Léni. 220 pages, 19 euros.

Texte © dominique cozette

Les Fessebouqueries #553'

Pas de Fessebouqueries cette fois, il y a des semaines comme ça où rien ne se passe, enfin presque rien, je reviens bredouille du marché des Gorges Déployées à part une grosse raie sur le côté repérée chez le marchand de poison et, comme vous, me mets à fustiger cette pauvre actualité qui n’a pas su intéresser mes fournisseurs habituels de rigoleries. Entre les lointains résultats burnant des urnes, ceux navrants d’un match loupé ou encore la saillie stérile d’un président « qui aime les jeunes » mais pas les crop-tops  des jeunettes—  en vieux français les brassières, ces petits hauts féminins de dix centimètres qui laissent voir le nombril  — rien n’a réellement inspiré nos humoristes habituels. C’est comme ça, vous êtes tous le nez dans les valises ou les résas pour août, vous oubliez de poster, voilà où on en est. Mais c’est le week-end, profitez bien, dear friends, même si une harassante soirée Biafine se profile chez les uns alors qu’il pleuvra chez d’autres, et comme l’a écrit NP :

« Je ne dis pas qu’il pleut beaucoup à Paris en ce moment. Je dis juste que si ça continue, la seule chose qu’on verra défiler sur les Champs Élysées le 14 juillet, ce sera l’arche de Noé. »

A la prochaine, donc !

 

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