Sauve qui peut (la vie)

« Godard. Je l’ai vu une fois à Paris. Il n’avait pas de scenario. Il m’a montré un truc assez court sur une K7. Il m’a dit : »c’est le film. » Puis je suis allé le voir en Suisse. Il est venu me chercher à l’aéroport. Dans la voiture, c’était bien parce qu’il ne parle pas et moi non plus et le seul truc que j’aie trouvé à dire c’était : « c’est vert », parce que je trouvais sur la route que tout était vert. Il m’a dit : « C’est bien, vous avez compris le film ». Le soir même, il nous a fait faire une rédaction. Il y avait Nathalie Baye, Isabelle Huppert et moi. Racontez le film que nous allons tourner. Moi, comme j’avais dit : « c’est vert », j’en ai été dispensé. Bon sansg, mais c’est Godard. »
« Travailler avec Godard, c’est être dirigé par un très grand chef d’orchestre mais il faut être un bon musicien, parce qu’il oublie de vous donner la partition. »

Texte © Jacques Dutronc
Photo © dominiquecozette, sculpture de la ferme aux Crocodiles.

(Si demain vous n’avez pas de blog, allez vous plaindre auprès de la SNCF, merci).

L’autre docteur Freud

Vous vous trouvez grosse ? Vos cuisses vous paraissent énormes ? Votre ventre vous semble pendre sur vos gras genoux ? Vos seins vous sont comme deux planètes felliniennes ? Le tour de vos bras est monstrueusement comparable au tour de hanches de mannequines ordinaires ? Et votre tour de taille est enfoui sous le plissement hercynien de votre torse ? Et votre peau !!!  Votre peau, parlons-en ! Où est la lissitude enviable car photoshopée des moindes égéries sur papier glacé ? Quelle est cette pauvre enveloppe charnelle distendue irrégulièrement, semée de plaques rougeâtres, de vagues hématomes, de réticulations veineuses bleutées ou violacées, de parties blanchâtres ou verdâtres selon la pression sur elle exercée. Votre visage lui-même, recouvert de cette même matière, vous apparaît-il indigne de figurer  sur la carte de bibliothèque d’une modeste commune suburbaine ?
Homme, vous-même, ne vous voyez-vous pas flatulent, ventripotent, variqueux, mou du gland et des bourses, las du regard, gras de la paupière et clairsemé du cheveu ?
Alors, hommes, femmes désappointés, complexés, ankylosés, voici le remède pour vous remonter le moral : aller voir ce bon docteur Freud. Pas n’importe lequel. Le petit-fils, alias Lulu, oui, le peintre là, qui expose à Beaubourg et qui fait rien que de nous montrer de sublimes monstres de laideur. Allez-y voir, je vous jure, vous vous trouverez d’un seul coup très acceptable voire carrément baisab’. Hummmm, quelles chairs, ma chère ! Trop beau aussi les feuillages, les toitures, tout quoi ! Lifting du cerveau en même temps…

Pour voir plein de tableaux (et pas que ceux de Beaubourg)  cliquez ici.

Texte © dominiquecozette
Dessin très modestement d’après Lucian

Remèdes de bonne femme

Fillette de huit ans.

Entendu sur Inter cette semaine : les divers polluants, pesticides entre autres, de nos grosses industries pétrochimiques multinationales, ultrapuissantes et sans contrepouvoir commencent à faire éclore ça et là sur terre de nouvelles femmes. Chouette vont se dire les gros machos et les champions de golf toujours à la recherche du 19ème trou. Eh bien pas chouette du tout, car les produits ainsi balancés dans la nature, c’est à dire partout, provoquent chez les fillettes des pubertés précoces. A huit/neuf ans, ce sont des petites femmes parfaitement équipées … Pas du tout réjouissant.
Certains vont me dire : on s’en fout, que ça leur arrive plus tôt, quelle importance ?
Alors en voilà une autre, pour vous les hommes,  qu’on a développée dans le spectacle des 3 Jeanne, d’après des documents scientifiques et avérés : ces saloperies rejetées par la pétrochimie sont en fait rien de moins que des sortes d’oestrogènes. Et alors ? Alors ça commence à contrarier la testostérone et à déviriliser nos amis les hommes. Les spermatozoïdes sont bien moins nombreux qu’avant et ça ne s’arrange pas. Chez les oiseaux, les mâles se mettent à couver, du moins ceux qui ne le faisaient pas. Notez, c’est peut-être que d’un seul coup une bonne conscience s’est emparée d’eux .
Alors que faire ? Rien. Parce que si l’environnement est saturé d’oestrogènes, qui va en profiter ? C’est bibi ! Finie la ménopause ! Finies les bouffées de chaleur et l’ostéoporose ! Les mémères vont se rebiffer ! D’ailleurs, c’est déjà fait, les cougars guettent leurs proies… des proies qui en ont encore dans la culotte, mais jusqu’à quand ?

Texte et dessin © dominiquecozette

Golden (para)chute

Monsieur T. était serein. Ses actionnaires heureux. Ses reprenneurs satisfaits. Toute sa production avait était délocalisée. Oui, toute, même le département luxe. Il allait pouvoir repartir sur un autre projet, une énorme restructuration qu’il était le seul à pouvoir réussir. Il avait les couilles pour ça. Il ne lui restait qu’à sauter de ce beau jet et se laisser porter par le mirifique golden parachute qu’il avait bien mérité. Le plus vaste de toute l’histoire des golden parachutes. Un record dont tous les medias du monde ferait état dès que. Dès qu’il s’ouvrirait, ce putain de bordel de parachute !
– Que se passe t-il ? se demandaient, inquiets, ses observateurs derrière leurs jumelles.
Ah, ça y est ! Ouf, putain ! Le stress ! L’énorme parachute blinguissime finit de s’étaler dans l’éther dans un bruitage soyeux. Monsieur T.,  qui n’en était pas à son premier saut,  avait déjà le projet de sortir le cigare mahousse qui portait son nom afin de montrer à ses pairs qu’il avait  la situation bien en main. Mais au lieu de ralentir, la chute s’accéléra et oh ! mon Dieu…
– Oh mon Dieu ! s’écrièrent les observateurs derrière leurs jumelles en même temps que leur sang se glaçait d’effroi.
A la vitesse de la lumière, et alors que le parachute s’était mis en torche, monsieur T. admit que l’idée de délocaliser la production luxe — notamment les golden parachutes — en Erythrée était une erreur. Il envisagea le limogeage immédiat de son service export et la mise à pied du foreign manager pour faute grave. Mais, la croûte terrestre se rapprochant dangereusement, il réalisa qu’il était trop tard pour ce genre de décision. Il ressentit une profonde nostalgie pour la fête de ce soir, espéra qu’ils viendraient nombreux à ses obsèques, déplora néanmoins les futurs sarcasmes des journalistes et humoristes de merde à son endroit. Il s’autorisa un pet — a golden fart —  ce qui le fit sourire au moment où il toucha terre. Pour la première fois de sa vie, il s’écrasa.

Texte et dessin © dominiquecozette

Baisers volés

Lettres des années 60 :

« Je suis toujours avec Pierre S. Je l’aime de mieux en mieux. Au début, j’étais allée avec lui comme ça, faute de mieux, mais maintenant, je ne regrette pas. Il m’aime bien, je crois et plusieurs fois m’a demandé si ça me plairait de me marier avec lui. Au début je lui disais et me disais : « l’est pas fou ? » mais maintenant j’aimerais bien. Je ne lui dis pas car d’ici quinze jours, ça ne me plaira peut-être plus…(…)  Dis-toi bien que c’est drôle car en ce moment je pense sérieusement à me marier (surtout avec ce que tu m’as dit pour l’EFAP, je ne sais plus quoi faire à la rentrée. D’ailleurs tout le monde ici me dit que je suis tombée sur un mec bien, le mieux peut-être de la vallée, je vais finir par le croire. Enfin, rien n’est encore sûr. …(…) Ce n’est plus la grande entente avec Pierre. Le soir même de la lettre on se disputait  et ça a été fini pendant deux jours. Maintenant, ça a repris mais l’équilibre reste précaire, je reste à l’hôtel de Paris et je vois Pierre deux minutes par jour, il vient me dire bonsoir en passant au Bivouac. Tout change. »(Monica, Chamonix 68)

« Il y a des moments où je me demande si je vais pouvoir supporter son absence cinq minutes  de plus. J’ai l’impression que je vais en mourir. Et puis cinq minutes passent et je suis toujours vivante » (Marianne 66)

« Je vous écris pour vous dire que je vais me marier avec Christian (…) J’ai enfin trouvé du travail, je suis vendeuse chez Prébac, à Alésia, rue du Général Leclerc. Je m’y plais bien car c’est un magasin de jeunes et qu’il y a une ambiance sympathique avec les vendeurs et vendeuses. J’ai hâte d’être au 30 avril car Christian est un garçon vraiment formidable malgré qu’il ne soit pas très yéyé. Mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir. » (Brigitte, Chatenay-Malabry 66)

« J’ai apprécié le tact avec lequel il a ébauché le flirt. Il est terriblement doux. Cela n’a rien d’extraordinaire, mais cela devient tellement rare à notre époque, qu’on apprécie plus. J’ai horreur des « types-qui-t’embrassent-fougueusement » du genre tu m’plais, j’te désire et point final !…Je n’ai pensé à personne d’autre pendant toute la nuit dans le train, bien que je l’aie passée dans les bras d’un certain Patrick F, mignon, yéyé dans la juste mesure, sympa et très vivant. Merci à lui de m’avoir un peu (très peu) adouci la séparation ! » (Caroline, Noisy 67)

Ça me fait toujours marrer de revoir comme on vivait l’amour à l’époque. On avait beau aimer terriblement un garçon, on ne se privait pas de papillonner à droite à gauche… On ne s’encombrait pas trop de principes, finalement, on cueillait les aventures comme elles arrivaient, avec beaucoup de légèreté. Antoine avait beau chanter la pilule , elle n’était pas encore en vente dans les Monoprix. La révolution sexuelle commençait à s’ébaucher mais le flirt restait la pratique principale. Ça ressemblait à Baisers Volés de Truffaut ou Féminin-Masculin de Godard,

Texte collectif. Dessin © dominiquecozette

Astrid Wendlandt, une vagabonde chez les Nenets

Astrid Wendlandt

Très beau livre d’Astrid Wendlandt sur  les Nenets, derniers nomades du grand nord sibérien (prononcez « nénettes »). Astrid est une grande belle nana toute blonde qui partage son temps entre Paris, le Canada, les Etats-Unis, la Russie, Londres etc. Elle est polyglotte, curieuse, sportive et aventurière, elle a été correspondante pour le Moscow Times puis le Financial Times. Elle est actuellement journaliste à l’agence Reuters.

« Assis sur le plus grand gisement de gaz de la terre, menacés par les changements climatiques, les Nenets sont parmi les derniers autochtones à défendre un mode vie ancestral au nord du cercle polaire.
Astrid Wendlandt a nomadisé avec eux dans la toundra hostile que la folie des grandeurs soviétique a désespérément cherché à coloniser. Elle a partagé leur vie de longs mois pour tenter de comprendre comment la culture nenets a survécu alors que celle des Inuits de son pays, le Canada, a été dissoute dans le whisky, le cholestérol et la social-démocratie.
Le mystère des Nenets, leurs croyances et leurs coutumes invitent à penser qu’il reste encore quelques arpents de la planète où la beauté, la magie et le sacré sont à portée de main. » (Texte © quatrième de couverture et photos © du livre).

Au bord du monde est  un récit passionnant qui nous colle face à des personnages d’une force exceptionnelle, leurs difficultés à transmettre quand des hélicos viennent leur arracher leurs enfants pour les emporter très loin, dans des écoles où ils apprendront qu’une autre vie peut être envisagée, leur résistance au géant Gazprom qui menace leur territoire et leur autonomie mais aussi aux ponts d’or faits par les Chinois pour obtenir les bois de leurs précieux troupeaux (devinez pourquoi). Une sacrée existence. De plus, Astrid possède une plume hors du commun, c’est un vrai bonheur que de plonger avec elle dans cet univers étrange et impressionnant. A lire de toute urgence, foi de Cozette !

Pourquoi les femmes font l’amour ?

Bonne question. Et très nombreuses réponses : 237 exactement, apportées par deux psychologues de l’université du Texas, Cindy Meston et David Buss, après avoir interviewé 1006 femmes. C’est assez amusant car c’est vrai que faire l’amour peut répondre à des motivations qu’on aurait honte d’avouer, comme se venger de quelqu’un, voler un homme à une autre femme ou accepter l’amour d’un homme moins bien parce que les autres sont pris. Il y a, bizarrement, la migraine,  hé oui, qui peut passer grâce aux hormones secrétées pendant l’acte. L’argent, la drogue, un cadeau ne sont pas des raisons négligeables.
De plus sordides raisons sont celles liées à la coercition comme la violence, le viol, le chantage. Pire, mais côté femmes : vouloir refiler une MST. Certaines font ça à la suite d’un pari, ou parce que c’est le seul moyen de passer un moment avec le monsieur, ou encore en espérant se l’attacher de façon durable.
Des raisons plus banales : parce qu’il a de beaux yeux, qu’il est intelligent, que ça fait maigrir, pour se réchauffer. Mais aussi pour faire son devoir ou empêcher son homme d’aller chercher ailleurs.
Je n’y ai pas vu une raison assez classique : parce que c’est plus simple de dire oui. Ça existe !
Mais qu’on se rassure, Arthur et les autres : les deux premières raisons citées par les femmes sont le plaisir et l’amour.
Il y a pas mal de sites qui racontent cette étude, en voici un. Un bouquin est sorti également en 2009, je ne pense pas qu’il ait été traduit, d’ailleurs on s’en fout, ça concerne les Américaines. Nous, en France, on n’a qu’une raison de faire l’amour : c’est parce que tu es génial, mon amour…

Texte et dessin © dominiquecozette

Blancs, Noirs et grigris

Déjà qu’ils sont pas trop gâtés, au point de vue racisme, les Noirs, dans certains pays ! Eh bien il y a pire ! Et ce qui est pire, c’est d’être blanc. Mais pas blanc de blanc comme le type  caucasion dont je suis bizarrement bien que le Caucase me paraisse très loin du berceau de mes origines, mais blanc de Noir. C’est à dire albinos. Effrayant ! C’est une maladie congénitale qui, lorsqu’elle touche les Noirs, les rend non seulement blancs, mais extrêmement sensibles aux rayons solaires de l’Afrique donc sujets aux cancers de la peau — particulièrement les agriculteurs qui n’ont pas les moyens d’acheter des crèmes protectrices — et aussi à la cécité.
Mais là n’est pas leur seul drame : les albinos sont persécutés car soit ils portent malheur, soit ils sont signe de richesse et dans les deux cas, on les pourchasse, on les massacre, on les torture, on les mutile lors de sacrifices rituels, on porte des parties de leur corps comme  grigris. Des horreurs épouvantables sont commises à leur endroit.
Beaucoup d’associations tentent de les protéger, de mieux informer les gens sur ce qu’est l’albinisme. Salif Keta, albinos lui-même, a créé une fondation et a écrit un hymne à la tolérance. Sa fillette de quatre ans, Naty, blanche de peau, a été inscrite à l’école française, un comble ! pour éviter qu’elle se fasse maltraiter par les petits Noirs.
Voilà bien la folie du monde : des Blancs qui prennent des douches d’autobronzant, des Noirs qui se font blanchir, des Noirs blancs harcelés par des Noirs, un chanteur Noir devenu blanc qui achète des enfants tout blancs-blonds. Quelle est la logique de tout ça ? Où est brief ??? Peut-être que ça ira mieux quand nous serons tous gris.

Texte et peinture photoshopée © dominiquecozette

Liquidités

Elle est bonne ???

Vous qui travaillez, qui mettez entre deux et trois heures à aller chercher ce putain de pognon qui glisse entre vos mains, vous qui , pour des motivations alimentaires, subissez des patrons atrabilaires, des clients patibulaires, des collaborateurs valétudinaires, des coups de blues hebdomadaires, des pulsions  démissionnaires, des effets secondaires terribles sur votre sexualité légendaire et votre  caractère débonnaire, l’abandon de vos rêves de millionnaire, de vieilles envie de devenir fonctionnaire, des pulsions sanguinaires ou à tout le moins suicidaires…donc, vous, travailleurs,  imaginez une seconde et demie que cette thune chèrement gagnée se mette à tomber du ciel, à voler au vent, à s’amonceler sur les trottoirs, et à finir dans des feux de joie, sans que personne ne s’en indigne.
Ça s’imagine mal. C’est pourtant ce que doivent ressentir beaucoup de peuples du sud (comme on dit aujourd’hui) à l’égard de l’eau. Cette eau rare que les femmes vont chercher à des kilomètres de chez elles et qu’elles rapportent dans des seaux sur leur tête, quand il y en a encore dans le puits. Que pensent ces gens qui voient cette eau couler à flot d’un geste de notre main, cette eau qui nous sert à laver des voitures, des sols, nettoyer des caniveaux, remplir des piscines, et finir dans les chiottes, d’un coup de chasse d’eau. Mais jamais dans nos verres, bien qu’éminemment potable. Car cette bonne eau ne l’est pas assez pour nous. Il nous faut du plastique autour, du marketing, du logo, de l’image, du coût. Cette eau du robinet qui ne coûte pas grand chose, elle n’a forcément aucune valeur.
Tout cela, on le sait, et pourtant, en bien ou en mal, le monde ne cessera jamais de m’étonner.

Texte et dessin © dominiquecozette

Des vaches à lait

Ma femme

Ça y est. Il ont réussi à me responsabiliser. Plus. A me culpabiliser. Ils, les medias, les politiques, les scientifiques. Je vis, donc j’abîme, je pollue, je salis, je fous une énorme empreinte écolo sur cette pauvre terre malade de ses presque sept milliards d’êtres humains sans compter les non-humains. En versant mon nuage de lait, l’autre jour, dans mon thé, j’ai pensé : putain ! qu’est-ce que ça doit abîmer la planète de fabriquer cet emballage, tous ces produits chimiques pour l’empêcher de ramollir, de fuir, de pourrir etc. Un emballage en carton pour un lait UHT. Et dans la foulée, j’ai pensée aux usines à produire les emballages, aux autres usines à fabriquer les outils pour les matières premières puis à toutes ces usines à gaz que sont les circuits de production, distribution, consommation, gestion etc… pour faire vivre les employés de ces usines. Sans parler du lait lui-même, de son procédé UHT, de son acheminement jusque chez moi.
Comme j’ai beaucoup de terrain puisque j’habite à la campagne, j’ai dit à ma femme :
– ce serait quand même plus simple d’acheter une vache.
Nos quatre enfants (oui, je sais, c’est mal, d’avoir quatre enfants) ont sauté de joie mais le plus grand d’à peine neuf ans a temporisé :
– Mais, c’est pas mieux, une vache, ça produit tellement de méthane en rotant…
Les trois petits pouffent à cette nouvelle et ma femme, toujours aussi con (mais c’est pour ça que je l’aime, je n’aime pas les femmes intelligentes) :
– Ça rote ? Ah, bon,  je croyais que ça pétait ! (fous rires des petits)
– Réfléchis maman ! (Quand on dit « réfléchis » à ma femme, elle pose ce qu’elle a dans la main, essuie ses mains sur son tablier et  croise ses bras sur ses seins généreux) dit l’ainé, les vaches rotent parce qu’elles ruminent. Ça fait entrer de l’air qui…
– Oui, bon, ça va, le coupè-je, ce petit prétentieux de futur scientifique de mes deux qui a réussi à nous faire installer des toilettes sèches à l’âge de six ans, un système de récupération d’eau de pluie à sept et qui commence à me les brouter. Sans jeux de mots. Que préconises-tu, monsieur je-sais-tout ?
– On peut réfléchir à des moyens d’élever proprement des mammifères non ruminants et d’utiliser leur lait. Y en a plein, les équidés, les canidés, les rongeurs, j’sais pas…
–  Et c’est toi qui va traire les souris tous les matins ?
– Ben non, mais ça n’empêche pas de réfléchir.
– j’ai une idée ! dit ma femme (dont les idées servent le plus souvent à caler le pied de la table de jardin) : on naka (c’est comme ça qu’elle imagine ce mot) acheter du lait concentré Nestlé ! Non ?
Alors j’ai pensé qu’au stade où l’humanité était rendue, il ne serait pas mal qu’un labo se penche sur l’élaboration d’un remède contre la culpabilité.  Si on n’a pas envie de se droguer, se souler ou se faire endoctriner, je ne vois que ça pour continuer à vivre avec un relatif plaisir.

Texte et dessin © dominiquecozette

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