Big & fat

A défaut d’avoir arrêté le saucisson, j’avais arrêté les miroirs chez moi, les avais recouverts de belles étoffes glanées dans des boutiques à Barbès, cessé de me peser, recommencé à porter des vêtements fluides et décidé que ce que j’avais dans la tête était plus important que mon enveloppe charnelle. Qu’importe le flacon, me persuadais-je en enfournant une tartine de rillettes bio accompagnée d’un petit Côtes affriolant, puis d’un deuxième non moins gouleyant et enfin d’un dernier non pour la route, mais parce que Jonas, le tenancier d’estaminet me l’offrait gentiment et que ça n’arrivait pas si souvent. Je ne dirais pas que Jonas était un Auvergnat (je ne veux rien avoir en commun avec le rouquin de l’Intérieur) mais ça lui arrachait la main de remplir le verre selon la dose en vigueur chez tous les cafetiers de profession.

Et voilà qu’en sortant de la douche de mon nouvel amoureux, je vis une grosse nana arriver vers moi les yeux froncés. J’allais monter sur mes grands chevaux et lui demander de quel droit elle foulait le carrelage de la salle de bain de … Jonas (on ne peut rien vous cacher) quand je me cognais à moi-même sur le miroir légèrement embué. Cette grosse nana, ainsi c’était moi ! Je ne pouvais y croire. Je fis venir Jonas et comparai son corps réel avec l’image réfléchie. C’était bien le même, le miroir n’était pas déformant comme j’aurais pu l’espérer. Le sot n’ayant aucune conscience de ce qui peut froisser les femmes délicates, attrapa mes deux gros bourrelets ventraux et, les malaxant comme de la pâte à pizza, me complimenta sur mes belles formes qui lui rappelaient les splendides princesses des contes de son enfance qui ne se déroulaient pas sur le plateau de Millevaches mais plutôt du côté d’Ispahan. Comme il était l’heure de retourner au boulot, je lui demandai de relever le rideau de fer, mais discrètement car ma boutique est juste en face de son boui-boui et je ne tenais pas à ce que ma patronne me vît sortir à quatre pattes de chez Jonas. Ma patronne, c’est l’esthéticienne typique, maigre, tirée à quatre épingles, sans un poil qui dépasse ni un gramme de trop. Elle est positionnée comme la spécialiste de l’amaigrissement définitif. Alors avec mon sur-poids, c’est évident que je l’agace et qu’elle va me foutre dehors un de ces quatre pour sabotage professionnel intempestif. C’est tellement petit…

Texte © dominiquecozette
Peinture © dominiquecozette pour l’expo les 111 des Arts à Lyon du 10 au 22 novembre

Salloween !

Sales mômes ! Vous allez arrêter de vous pendre à ma sonnette ! Halloween, halloween, c’est quoi cette histoire ? Mais bien sûr que je sais, mais ici, on est en France et vous savez quoi ? Ce sont les grosses multinationales qui s’en mettent plein les fouilles avec vos conneries ! Non mais qu’est-ce que vous croyez ? Qu’on fait ça pour être sympa avec vous ? Vous êtes très crédules, têtes blondes et crêpues, vous suivez n’importe quel connard qui vous promet des bonbons et des jouets ! Si vous saviez ce qu’ils foutent dans leur saloperies caoutchouteuses ! A l’époque de la vache folle, on y trouvait de la moelle de boeuf. C’est normal, dans un bonbon, de la moelle de boeuf ? Et encore ça, c’est rien ! Si vous saviez rééllement comment c’est fait, vous regarderiez avec un peu plus de respect la grande faucheuse ou le squelette dont vous empruntez les attributs. Sales mômes, oui, je suis un vieux con aigri, tiens approche, toi, viens voir par là, non, tu ne veux pas entrer ? Tu veux pas que je te montre mes bonbons ? Ça t’intrigue, hein ! Comment ils sont mes bonbons ? Tu n’as qu’à venir, c’est bien caché au fond, là-bas, et je ne les distribue jamais, mais comme tu es bien mignon et que tes cheveux sont très doux, mais non, n’aie pas peur, je n’ai jamais fait de mal à un gosse, allez, reviens, hé, reviens !!! Petit con, va, allez retourne chez toi ! Bouh ! Encore un qui fêtera plus Halloween. Quel boulot, chaque année !

Texte et photo © dominiquecozette

Gynécolattitude

Mon cher Arthur, comme tu me l’as demandé, je t’envoie une photo de moi. Tu vas penser que je sui exhibo mais non, tu sais que je suis danseuse et le soir j’effeuille dans des clubs pour payer mes études de chirurgie gynécologique. C’est quoi la chirurgie gynécologique, c’est comme son nom l’indique une chirurgie réparatrice pour les femmes qui ont des bobos là, qui peuvent être un hymen à refabriquer parce que leur fiancé ne supporterai pas qu’elles aient eu d’autres visites que lui, un clitoris à refabriquer parce que dans leurs traditions les femmes ne doivent pas avoir ce plaisir, un vagin abîmé parce qu’elles se sont fait forcer, oui, on peut dire violer parce qu’ils voulaient absolument se soulager dans elle, un périnée déchiré parce que l’accouchement n’a pas été très bien mené, et toutes sortes de choses que je t’expliquerai chaque soir en rentrant dans notre chez nous. Mais il n’y aura pas de chez nous parce que tout ce que je te dis te glace les os et te fera débander dès que tu penseras à moi. Je crois que c’est mieux ainsi. Toi, ce qu’il te faut, c’est une gentille fille avec une robe froncée jaune paille et un pashmina à poser délicatement sur ses épaules lorsque le fond de l’air fraîchira (dans la colle). Bye !

Texte © dominiquecozette
peinture © dominiquecozette pour l’expo les 11 des Arts à Lyon du 10 au 22 novembre

Marie niet

Il a écrit une belle chanson pour elle et l’a enregistrée dans son home studio mais elle est allée écouter Cali à la Cigale. Une autre fois,  il lui a apporté des rognons de veau cuisinés avec amour et moutarde de Meaux mais elle était invitée à manger des fruits de mer chez Lipp. Puis il lui a acheté un superbe scooter rose car elle rêvait de ça mais c’est tout juste si elle l’a pas écrasé avec sa Cayenne black toute neuve. Alors il l’appelle pour lui proposer carrément de coucher avec lui mais elle est furieuse car elle est juste en train de niquer avec un bourrin. Alors il décide de la buter mais le temps qu’il se procure un pétard du côté de la gare du Nord, la grippe A a raison d’elle. Il en est malade, il va au crematorium du père Lachaise pour faire son deuil mais elle s’est réincarnée en une autre salope, la même en brune, qui éclate de rire en se foutant de sa gueule. Il aura eu l’air con jusqu’au bout !

Texte © dominiquecozette d’après Marinette (j’avais l’air d’un con, ma mère) de Georges Brassens.
Dessin © dominiquecozette

Avorton # 1

Abortion #1
Abortion #1

Ce petit être qui ne verra pas le jour est le fruit des amours de monsieur Alois et madame Klara Hitler. Dans le petit bourg de Braunau où ils vivaient avec leurs trois enfants, les langues allaient bon train sur le degré de consanguinuité du couple, Alois étant né bâtard  avant que son beau-père le reconnaisse.  Concernant cette quatrième grossesse non désirée par les Hitler, la femme du médecin accoucheur, vieille juive visionnaire du nom de Sarah Apfelbaum, fut comme électrocutée pas les ondes ultra-négatives montant des entrailles de Klara. Son époux qui n’avait rien contre ses diagnostics magnétiques la laissa « ausculter »  sa patiente avec son pendule. Quel choc ! Oui, c’était un monstre qui poussait dans ce ventre, qui règnerait un jour sur le monde occidental, habité d’une haine incommensurable pour tout ce qui n’était pas aryen. Le pendule révéla des horreurs, des corps, des trains, des cheveux, des fumées, des camps, des guerres, des massacres, des expériences atroces, des morts par millions… Le pendule n’avait jamais battu aussi intensément. Hypnotiseuse de génie, Sarah Apfelbaum réussit à agir sur l’utérus de Klara qui, dès le lendemain, éjecta l’embryon. Quand elle raconta à son époux ce qu’elle avait entrevu, il fut pris d’une violente crise de rires entremêlée de toux : comment, en 1889,  pouvait-on imaginer pareilles balivernes !  Décidément, il ne pouvait plus se fier aux intuitions de sa femme. Quant à Klara Hitler, elle se consola de cette perte en faisant deux autres enfants qui, comme leurs aînés, moururent en bas âge, mis à part une fille.

Texte et photo © dominiquecozette

aminata

– Aminata, elle a deux robinets sur le palier du foyer dans sa cité !
– Deux robinets ?
– Oui, un pour l’eau froide et un pour l’eau chaude. Mais chacun sur un  palier différent.
– Quand même, deux robinets ! Et puis c’est pas loin pour tirer de l’eau. Pas comme nous !
– Oui, alors, il parait qu’elle fait la fière…
– La fière parce qu’elle a deux robinets ? Laisse-moi rire !
– Attends, c’est pas fini !  Tu connais sa première co-épouse ?
– Mbora.
– Oui, hé bien Mbora, elle la bat !
– Elle la bat ?
– Oui, elle la traite de feignasse, c’est vrai qu’elle fiche rien. Et sa troisième co-épouse…
– Ah, y en a une troisième ?
– Oui, une gamine, Fatimatou. Elle la vole. Elle lui dérobe ses bijoux, ses grigris, ses lotions.
– Ah, arrête ! je vais faire pipi dans mon pagne ! Aminata qu’était toujours à se plaindre, à vouloir faire sa princesse ! Deux robinets !  Et deux co-épouses ! J’en reviens pas !
– Son mari, ça fait trois jours qu’il l’a pas touchée !
– Oh la la ! Trois jours ! Elle va avoir des puces dans la culotte !
– Arrête ! J’en peux plus, ça y est, j’ai fait pipi !
– T’as noyé tes puces ? LOL !

Texte © dominiquecozette
peinture © dominiquecozette pour l’expo 111 des Arts à Lyon du 10 au 22 novembre

Le prénom a été changé

Angélique* est née dans une famille nantie et joyeuse, sa mère ayant préféré la concevoir avec un beau musicien brésilien qu’avec son mari qui n’en tire aucune amertume. Enfance dorée, adolescence dorée, jeunesse dorée. Amants multiples, beaux et célèbres, carrière éblouissante dans le milieu du luxe et du show business. Un enfant superbe d’un homme époustouflant de beauté et d’intelligence. Lorsqu’elle regarde autour d’elle, Angélique ne voit que de merveilleux nuages.  Elle est la plus glamour de toutes les glamours, elle a de merveilleux amis dans le monde des arts, des lettres, de la politique, des avionneurs, de la gastronomie, de la médecine, des affaires, de la presse, de la joaillerie, de la banque, de la haute-couture, de l’architecture, des médias, des finances etc,  et ses parents font de leur retraite une oeuvre d’art. Son mari, le petit Président d’une république bananière  semble désormais amoureux d’elle et elle-même s’est habituée à son physique ingrat et à ses manières rustaudes. En somme, elle n’a qu’à claquer des doigts pour que tous ses souhaits se réalisent. Alors, pourquoi son psy depuis dix ans ne lui dit-il pas que la cure est finie ? Pourquoi ne se résout-elle pas à lui dire : ayé, t’auras plus ma thune ? Pourquoi a -t- elle si peur d’avoir peur alors qu’elle est avec le mec qui peut tout  ? Hein ? Y a forcément un bât qui blesse dans cette affaire ! C’est là que ses amies (qui ne valent pas un pet de nonne) se rengorgent  : Ha, tu vois, elle aussi ! se disent-elles pour se consoler de la relative médiocrité de leur vie de femmes de député, d’affairiste, de trader, de bassiste, de chirurgien plastoc et de réalisateur. ATTENTION ! FIN ABRUPTE ! Quand elles ne sont pas tout simplement plaquées par les susdits.
* Le prénom a été changé.

Texte et dessin © dominiquecozette

Poupée Barbue

Cher monsieur Mattel,

vous me reconnaissez ? Je suis Barbie-la-coupe-au-carré-et-les-cheveux-blond. Alias Barbie n° 24 367. Mais comme vous le voyez, j’ai du poil au menton et une toison pectorale qui frise l’espagnolade. Je m’adresse à vous parce que je me souviens très bien que vous vous êtes amusé à faire des expériences sur nous, Ken et moi, en nous injectant des hormones de l’autre sexe. Ken s’en est bien tiré puisque malgré son manque de couilles, il a réussi à faire carrière auprès des petites filles qui aiment bien les hommes lisses et plats de l’entrejambe. Mais pour moi, c’est une autre paire de manches : avec mes joues qui piquent et mon paillasson pectoral, je passe pour une perverse auprès des mamans et des grands-mères et de ce fait, je reste seule en rayon à me faire chier la b… (oui, oui) et franchement le temps me paraît bien long. Ne pourrais-je pas espérer tomber dans une petite famille tranquille du Texas pour vivre ma vie normale de Barbie avec des bras en moins, des cheveux arrachés et plein de stylo feutre sur la gueule ?  Alors monsieur Mattel, sauvez-moi, remettez-moi ma dose d’oestrogène et je serai la plus heureuse des poupées Barbues. Heu, Barbie.
Cordialement.

Texte et photo velue © dominiquecozette

Delerm est-il un écrivain ?

Street art dans le Tricastin.

« Delerm a-t-il quelque chose à écrire ? Non, sans aucun doute, Delerm n’a pas de sujet, pas d’histoire, pas de personnages à dépeindre et se contente donc de photographier le quotidien avec un Instamatic et une bonne foi qu’on pense sincère.  C’est court, ça ne mérite pas le bûcher, mais ça ne fait pas un livre, encore moins un écrivain…  Si on dit que ça ne vaut rien, on passe pour un intello chiant qui préfère se « prendre la tête » que de goûter aux choses simples. Mais faire 60 lignes sur le bruit du frigidaire, c’est ça se « prendre la tête. Depuis qu’il a écoulé ses hectolitres de gorgée(s) de bière, Delerm a choisi de se spécialiser dans le compactage de clichés, de banalités prétendument touchantes. Or, il n’ y a a pas plus de poésie ou d’humanité dans ses pages que dans une liste de course. Le genre de manuscrit que toute maison d’édition d’édition digne de ce nom refuserait. Mais Delerm, c’est Delerm, une sorte de marque déposée du zéro absolu, du vide, du rien. »
Lilian Massoulier (sur « Enregistrements pirates » de Delerm  in Libération du 15/01/04*)
Photo © dominiquecozette

* Pourquoi éditer ce vieux machin ? Parce que je l’avais gardé au cas où, et le cas où, c’est maintenant. Et puis Delerm, en fait, père ou fils, je m’en bats l’anse, c’est juste pour publier cette photo réalisée sur un mur de Saint Paul Trois Châteaux. Chirac aurait aussi bien fait la farce.

alloalloalloalloalloalloallo….

hh

Allo ? Tu m’entends, là, je t’entends très mal, non, je me suis arrêté, ça y est ? Tu me captes ? Merde, ça se barre, je crois qu’il n’y a pas de réseau ici. Quoi ? Oui, super, enfin, moyen, que des cons, on se demande pourquoi ils viennent à ces colloques, hein ? je disais on se demande pourquoi ils s’inscrivent, ils passent leur temps à envoyer des SMS, quoi ? T’entends plus ? Attends, je bouge. Et là ? Oui, et dès que les portes s’ouvrent, ils se ruent sur leur mobile, quoi comme moi ? Non, t’es gonflée quand même, je ne t’entends plus, allo, allo ? Merde, ça a coupé ! Quelle conne, non mais elle attige ! Hé, t’as du réseau, toi ? t’es quoi ? Quoi quoi, comme opérateur … Bouygues, Orange ? Ah excuse, ça sonne ! Allo ! Oui ! Tu vois, j’aurais du prendre Orange ou SFR, Bouygues c’est nase, ça passe nulle part, non, je dis Bouygues c’est nase ! Allo ! Allo ? Coupé ! Mais que fait Sarkozy, merde, il est président, non ?

Texte © dominiquecozette
peinture © dominiquecozette pour le Salon Comparaisons, au Grand Palais, du 4 au 9 novembre. Allo ?

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